Nos Correspondances de Manosque (3)

Jeudi 21 septembre

Après la visite de la maison de Jean Giono, toujours sous un soleil généreux et un ciel superbe, se poursuit cette seconde journée. Ici, les transports publics  sont gratuits et il faut en profiter pour soulager la ville d’un trafic automobile trop dense.

De nombreux groupes d’élèves sillonnent la vieille ville, profitant des animations qui leur sont destinées et constatant toute la passion que déclenchent les livres chez leurs aînés. Sur la place Saint-Sauveur, le stand d’Amnesty International permet au plus grand nombre d’écrire à un ou plusieurs prisonniers politiques dans le monde entier.

 

Photo ci-contre : Joie et fierté de ces enfants de maternelle qui postent leur courrier, place de l'Hôtel de Ville.

 

René Frégni :

C’est avec un autre écrivain manosquin, bien vivant celui-là, que la journée littéraire débute.

Il y a de plus en plus de monde pour écouter René Frégni répondre aux questions de Sophie Quetteville à propos de son dernier livre : Les vivants au prix des morts (Gallimard).

 

Photo ci-contre : René Frégni répond aux questions de Sophie Quetteville.

 

 

Dès le matin, devant son bol de café, il écrit sur des cahiers mais : « C’est le roman qui me choisit, comme cette petite chatte blanche qui me regardait dans mon jardin. »

 

Sans qu’il le veuille, son dernier roman a  basculé dans le roman noir après un coup de fil d’une personne détenue qu’il avait eue comme élève dans un atelier d’écriture, aux Baumettes.

 

Là-bas, il n’avait que douze personnes sur les deux mille incarcérées « alors qu’on devrait commencer par ça, pour la réinsertion ! » René Frégni affirme que la prison est l’université du crime car elle renforce le criminel et détruit toute trace d’humanité.

 

 

Son langage est ferme, sans ambiguïté. C’est un homme qu’il faut écouter et donc lire car sa vision de notre société permettrait d’éviter beaucoup d’erreurs.

 

 

Photo ci-contre : René Frégni, passionné et passionnant.

 

Miguel Bonnefoy et Thomas Gunzig :

 

Ils sont jeunes tous les deux, le premier est franco-vénézuélien et sera l’écrivain résidant à Manosque pour l’année à venir alors que l’autre est belge.

C’est Yann Nicol qui mène cet entretien croisé, en toute décontraction, bien aidé par deux auteurs passionnés et passionnants.

Miguel Bonnefoy, (photo ci-contre) avec Sucre noir (Rivages), n’en est pas à son premier roman. S’il pense et rêve en espagnol, il s’exprime avec talent en français et sa verve conquiert l’auditoire. Le Venezuela lui est très cher et il en parle avec amour afin de combattre tous les clichés qui circulent actuellement. Dans cette ferme-distillerie de Santa Teresa, à deux heures de Caracas, on élabore un rhum parfait. Ses personnages sont de chair et d’os et ce sont eux qui changent le cours de l’histoire. Sa lecture des premières pages de Sucre noir pousse vraiment à lire la suite…

 

Si Thomas Gunzig (photo ci-contre) paraît plus discret, il fait quand même sa place et a bien raison lorsqu’il affirme : « Un bon livre doit vous arracher à vous-même, sinon c’est raté. »

 

Dans son dernier roman, La vie sauvage (Au diable vauvert), son héros a tout lu en Afrique où il a grandi. C’est pourquoi il est furieux d’entendre tous les clichés qui circulent à propos de l’Afrique lorsqu’il se retrouve dans une petite ville d’Europe du nord.

 

Si Thomas Gunzig avoue que le travail d’écriture est un artisanat « un dur boulot », il déclenche les rires et une belle salve d’applaudissements à la fin de sa lecture d’une scène se passant chez la psychologue, dans une école.

 

 

Joël Baqué et Hervé Le Tellier :

Avec son petit air tristounet, Joël Baqué (photo ci-dessous) trompe bien son public.

 

Il suffit de l’écouter parler de la banane pour découvrir son formidable humour… l’air de rien. 

 

 

Il publie La fonte des glaces (POL), un roman qui nous emmène dans la solitude fondamentale de Louis qui va devenir malgré lui une icône planétaire de l’écologie à cause d’un coup de foudre pour un manchot empereur empaillé !

 

 

 

 

 

 

Toutes les familles heureuses ((JC Lattès) propose les souvenirs recomposés par Hervé Le Tellier (photo ci-dessous), des portraits sans concession de personnages romanesques qui composent pourtant sa famille.

 

Ado, il se préparait au deuil de ses parents alors qu’il pouvait lire et acheter tous les livres qu’il voulait.

C’est ainsi que, très jeune, il a découvert les dysfonctionnements de sa famille malgré une éducation en vase clos. Entre une mère d’origine paysanne et un beau-père de souche aristocratique, l’auteur, membre de l’Oulipo, captive ses lecteurs avec ce dernier roman très remarqué.

 

 

Catherine Frot lit Lettres d’Amérique de Nathalie Sarraute :

 

La différence est nette avec la lecture de la veille car Catherine fait parler son métier d’actrice depuis longtemps rodée au théâtre.

 

Seule en scène, elle attendrit et fait sourire avec les Lettres d’Amérique de Nathalie Sarraute (Gallimard) à son mari, son chien-loup, lettres qu’elle signe Fox.

 

Nous sommes en 1964 et elle a été invitée aux États-Unis pour donner un cycle de conférences qui lui font découvrir avec enthousiasme le pays. Elle ne cesse de pousser son mari à la rejoindre et lui parle de New York, de San Francisco, du musée Guggenheim…

 

Catherine Frot (photo ci-contre) est parfaite et reçoit logiquement les hommages d’un public conquis.

 

 

 

Cyril Mokaiesh en concert littéraire :

 

Ce jeune chanteur possède tous les talents pour s’imposer sans se complaire dans un répertoire figé.

 

Il n’hésite pas à se lancer des défis difficiles comme celui de Naufragés mené avec le pianiste de jazz Giovanni Mirabassi.

 

Pour Manosque, il fait partager sa passion pour les textes de Fernando Pessoa qu’il dit avec force et émotion.

 

Photo ci-contre : Cyril Mokaiesh lit Fernando Pessoa (1888 - 1935), poète et écrivain portugais.

 

Ses chansons alternent avec les lectures. Dans ce Café provisoire où le public est assis à même le sol, Mokaiesh et ses musiciens donnent le maximum mais c’est lorsqu’il revient, seul en scène, lors des rappels, pour chanter de sa voix belle et forte, s’accompagnant à la guitare, que je le préfère.

à suivre…

Jean-Paul

 

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