"Il semblerait que vous soyez ..."

« Et vous, j'ai rien du tout contre vous. Il semblerait que vous soyez pédophile… Qui me l'a dit ? J'en ai l'intime conviction. Les services. De source orale. Pouvez-vous vous justifier ? »

C’est en ces termes que Nicolas Sarkozy, pensant être à l’abri des caméras et micros s’est adressé à plusieurs journalistes en marge du sommet de l’OTAN à Lisbonne.

 

Lu comme ça, à brûle pourpoint, cela peut paraître étrange, un Président de la République, qui s’adresse ainsi à un journaliste. Pourtant, l’intégralité de la conversation montre que cet exemple est choisi à dessein. Nicolas Sarkozy évoque ici l’affaire de corruption présumée dans un dossier de vente d’armement qui serait à l’origine d’un attentat au Pakistan et qui fait grand bruit actuellement. Dans cette conversation, des journalistes veulent qu’il évoque le sujet car des « bruits » et des « rumeurs » indiquent qu’il serait impliqué.

 

Nul besoin d’examiner le fond de l’affaire, dont personne ne sait grand chose, mais Sarkozy cherche à indiquer aux journalistes qu’il n’y a pas l’ombre d’une preuve, qu’il n’y a aucun élément le reliant au dossier et que ce qui ressort dans la presse ne repose que sur des rumeurs…

 

Quel exemple cet ancien avocat, fils d’avocat va-t-il sortir sans aucune préparation ? Qu’est-ce qui, pour le Président de la République, représente le moyen le plus facile, le plus rapide, celui qui nécessite le moins de preuve, pour salir un être humain ? L’accusation de pédophilie !

 

Le pire, c’est que Nicolas Sarkozy a parfaitement raison : accuser quelqu’un de pédophilie en se basant sur des bruits, de rumeurs, des sources orales, est la meilleure solution pour le détruire et l’envoyer en prison. Les amis et proches de Jean-Paul Degache en savent quelque chose : les enquêtes, les poursuites, les interrogatoires et garde à vue ont commencé suite à des bruits, des rumeurs de village, qui visaient un homme très en vue. La machine à broyer a ensuite conduit Jean-Paul Degache en prison pour les 8 années à venir.

 

Mais le Président de la République tient ici un double langage : il admet volontiers que la fausse accusation de pédophilie sans preuves est le meilleur moyen de briser un homme mais, en parallèle, annonce à grands renforts médiatiques son intention de mettre des jurys populaires partout, sans réfléchir, justement, aux crimes sans preuves, sans témoins et où seule l’intime conviction compte.

 

Cette ambivalence, que l’on retrouve souvent chez les politiques qui sont les premiers à fustiger les accusations sans preuves et à défendre la présomption d’innocence mais qui, parallèlement cherchent à être le plus dur possible et à associer au maximum les citoyens aux décisions de justice, est réellement contre productive. C’est en ce sens que nous comptons demander à être auditionnés par les différentes commissions qui seront en charge de réfléchir à l’introduction de jurés populaires lors des audiences de libération conditionnelle et dans les tribunaux correctionnels.

 

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