Il était dans la classe de Jean-Paul de 1978 à 1980

Ce presque quadragénaire était en classe avec plusieurs des témoins qui ont décrit des viols hebdomadaires devant tous les élèves. Comme tous les autres témoins que nous pouvons interroger, il estime que ces faits n'ont tout simplement pas pu se dérouler plusieurs fois par semaine en sa présence. Il n'habite plus et ne travaille plus à Sarras, nous ne donnerons toutefois pas son identité.

Entretien réalisé le 7 octobre 2007

 

Bonjour et merci de t’être déplacé pour me parler. D’abord, quand étais-tu en classe avec Jean-Paul Degache ?

 

Bonjour, j’étais en classe en 1978-1980 avec Jean-Paul Degache, et je t’avoue que j’ai été très surpris par cette affaire quand elle a éclaté il y a quelques années.

 

Je rappelle l’affaire : plusieurs des filles qui étaient avec toi en classe affirment avoir été violées alors qu’elles se trouvaient au bureau de Jean-Paul Degache devant toute la classe, elles affirment que cela arrivait toutes les semaines, pendant deux ans, tu étais dans cette classe, as-tu vu quelque chose ?

 

Justement, je n’ai jamais rien vu, c’est impossible qu’il ait pu faire ça en ma présence, tu sais, j’étais un garçon pas spécialement précoce, donc un rien pouvait me choquer, et des choses comme ça, si j’y avais assisté, crois-moi que j’en aurais tout de suite parlé ! En CM1, j’étais assis près de la porte d'entrée de la classe, ce qui me donnait un bon angle de vue sur le siège de l'instituteur et l'arrière de son bureau. Je n'ai jamais rien vu.

 

Comment était Jean-Paul avec ses élèves, on m’a parlé de gestes d’affection…

 

Oui, c’est sûr, il était, je dirais, paternaliste, je crois que c’est le mot, mais il n’a jamais eu de gestes déplacés, que ce soit sur moi ou sur d’autres, il n’a jamais commis quoi que ce soit de répréhensible ou de pervers ! C’est sûr qu’il nous touchait parfois, mais c’était plus de l’ordre de la tape affectueuse sur l’épaule, franchement, je suis effaré par tout ce qui a été décrit pendant le procès, surtout que je suis sensé y avoir assisté…Vu mon placement latéral, le bureau ne cachait aucun des gestes de Jean-Paul quand il était assis à ce dernier et je le répète, je n'ai rien vu.

 

On dit qu’il prenait les enfants sur ses genoux, qu’il leur caressait les fesses…

 

Honnêtement, ça fait longtemps, je n’ai pas trop de souvenirs, mais je suis certain qu’il ne m’a jamais pris sur ses genoux, ni caressé les fesses, et franchement je ne me souviens absolument pas qu’il ait fait de tels gestes sur d’autres élèves.

 

Est-ce qu'il y avait des réflexions sur l’attitude de l’instituteur ? Vous en parliez entre vous ?

 

Non, pas du tout, en fait il y avait un peu un côté garçon et un côté fille, un peu comme dans toutes les classes, mais on parlait quand même entre nous, et je n’ai jamais rien entendu. Tu imagines que j’en aurais parlé tout de suite. Mon seul souvenir du jour où il a pu toucher un élève, c’était [un témoin à charge] qui s’était fait piquer par une araignée (en classe verte à Salavas) et il l’avait emmenée chez le médecin, mais ça s’arrête là…

 

As- tu revu certains de tes camarades de l'époque ?

 

En fait, je n’ai recroisé que très peu d’anciens élèves après mes années d'école primaire car je ne suis pas allé au même collège qu’eux, j’étais à Tournon et ils sont plutôt allés à Saint Vallier. Je n'ai de contact qu'avec ceux qui sont toujours mes amis à l'heure actuelle.

 

Et toi, quelle est ton opinion sur l’attitude de Jean-Paul Degache ? Le fait qu’il soit paternaliste comme tu dis…

 

Moi, je trouvais ça très bien, en fait avant on sortait de classes avec des instituteurs beaucoup plus stricts, c’était beaucoup moins facile, on était plutôt content qu’un enseignant soit plus proche de nous.

 

As-tu eu d'autres contacts avec Jean-Paul après ta scolarité en primaire?

 

Oui, j’ai fait du korfbal, j’étais très impliqué là dedans puisque je faisais les entraînements de l'équipe adulte, et quand mon emploi du temps me le permettait, j'allais aider Jean-Paul pour l'entrainement des jeunes de l'école de korf le mercredi après midi.
 

Je me souviens que lors du procès, on a parlé d’intrusions de Jean-Paul Degache dans les vestiaires, franchement, je n’ai jamais vu ça, et ça ne s’est tout simplement jamais produit, j’étais bien placé pour le savoir… tout comme je suis bien placé pour te dire que je n’ai jamais vu un jeune prendre une douche après un entrainement de korf !

 

Tu as été interrogé dans le cadre de l’enquête ?

 

Oui,... et non. 

J'avais fait une demande d'audition auprès du Juge d'Instruction en mai 2002. Par retour de courrier il m'a fait savoir qu'il ne souhaitait pas m'entendre.

Plus aucune nouvelle jusqu'en septembre 2003, où la Gendarmerie d'Andance m'a contacté pour faire une déposition dans leurs services. Une déposition est un exposé de faits alors qu'une audition est un jeu de questions/réponses avec un professionnel au fait du dossier. De ce fait, il y a de nombreux détails dont je n'ai pas parlé devant les gendarmes, notamment concernant le korfbal.

J’ai vraiment l’impression que seules les plaignantes ont été interrogées par le Juge alors que je n'ai vu qu'un gendarme… je ne suis d’ailleurs pas le seul dans ce cas dans les témoins à décharge de Jean-Paul.

 

Quel est ton avis sur cette affaire ?

 

Franchement, je ne vois pas comment ce genre de choses pouvaient se faire en public sans que personne ne les voie, tu sais, j’étais réservé, timide, ça m’aurait carrément choqué, de tels gestes.

Tu te rappelles le film « être et avoir » ? Et bien Jean-Paul, pour moi, c’est l’instituteur de ce documentaire, et pourtant l’instituteur du documentaire n’a pas été accusé de pédophilie. On voit bien dans le film qu’il prend les élèves sur ses genoux, qu’il les console… ces gestes ont ému la France entière, et là, Jean-Paul est en prison pour la même chose… 

J'ai travaillé 10 ans comme infirmier en réanimation. Aujourd'hui je suis infirmier anesthésiste. Dans le cadre de mon travail, je touche tous les jours des personnes adultes et enfants. Le toucher est un moyen de communication très important, surtout pour toute personne qui ne peut plus parler (coma, intubé,....). Le toucher rassure et relève de l'humain et non de la perversité. S'il est admis, que dans le milieu médical on peut prendre un enfant dans les bras ou caresser le dos ou les épaules d'un adulte en souffrance, pourquoi un instituteur ne peut pas le faire dans la même situation ?

Vais-je me retrouver, moi aussi, un jour devant une Cour d'Assise au côté de mes collègues para-médicaux et médicaux ? 

 

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