Tyler Hamilton et Daniel Coyle : La course secrète

La course secrète    par    Taylor Hamilton et Daniel Coyle,

Presses de la Cité, (2013), 328 pages

Traduit de l’anglais (USA) par Anatole Muchnik

 

L’homme est ainsi fait qu’il n’hésite pas à utiliser tous les moyens naturels ou non pour dépasser l’autre et ceci dans tous les domaines. Là où c’est le plus voyant, c’est dans le sport. Or, depuis longtemps, le cyclisme donne l’exemple en matière de lutte contre le dopage parce que le mal était profond mais nous savons que beaucoup d’autres disciplines ont bien des difficultés à se donner les moyens de retrouver l’équité sportive.

 

Daniel Coyle, célèbre journaliste du New York Times qui a guidé Tyler Hamilton pour rédiger La course secrète, l’écrit en préambule : « Le cyclisme est le sport le plus exigeant du monde, sur le plan tant physique que mental. » Après avoir passé quinze mois avec Lance Armstrong et ses proches, il a publié « La guerre de Lance Armstrong », se demandant si le Texan se dopait, le comparant à « un saint laïque ayant vaincu le cancer » alors que Tyler Hamilton n’est qu’un héros ordinaire, en 2012. Neuf ans plus tôt, celui qui était le coéquipier préféré d’Armstrong est « humble, poli, le parfait boy-scout » mais il devenait insipide dès que l’on parlait cyclisme. Enfin, il faut savoir que Coyle a vérifié tout ce que lui a confié Hamilton au cours de deux ans d’entretiens.

 

C'est donc avec beaucoup de sincérité que cet homme originaire de Marblehead, une ville de 20 000 habitants, située au nord de Boston, confie ses souvenirs et raconte ce qu’il a vécu. Skieur à ses débuts, il reconnaît : « J’ai un don pour la souffrance ». Alors qu’il est espoir olympique à ski, une blessure au dos le pousse à rouler toute l’année. C’est ainsi qu’il devient champion US universitaire en 1993 et que, l’année suivante, il rencontre Armstrong au Tour DuPont. Celui-ci est déjà champion du monde et il est le seul à le féliciter et à le défendre après un excellent prologue.

 

Tyler Hamilton ne cache rien et reconnaît avoir subi sa première injection (fer et vitamines B), en 1995. Cela est légal mais troublant. En 1996, avec l’US Postal, il part pour l’Europe aux côtés de Andy Hampsten mais force est de reconnaître : « On se faisait laminer ». Hampsten qui refuse le dopage, cesse sa carrière à 32 ans alors que l’EPO est en train de tout changer.

 

« Personne ne se lance dans le cyclisme avec l’intention de se doper. Si on aime ce sport, c’est pour sa pureté, il y a toi, ton vélo, la route, la course. » Mais il faut des résultats et Tyler Hamilton décrit bien la spirale infernale où les médecins sont au premier rang. Tout au long de ce livre-témoignage extraordinaire, il cite tous les noms, tous les lieux et détaille les procédés employés. Il confirme que certains coureurs acceptent leur sort et restent « pan y agua », au pain et à l’eau, selon son expression très imagée. Mais ils végètent dans les profondeurs des classements ou bien laissent tomber loin de l’âge limite.

 

Rien n’arrête ceux qui courent après la gloire et l’argent. Après le Dr Ferrari, « notre entraîneur, notre médecin, notre dieu », c’est le Dr Fuentes et les transfusions sanguines qui s’ajoutent aux procédés déjà en cours. Les succès sont là alors qu’il note qu’au Tour 2002, les Français sont à la traîne parce que notre pays est plus rigoureux.

 

Arrivent les premiers résultats positifs et il clame son innocence, lui qui se dope depuis huit ans ! Si L.A. manipule le système, Hamilton devient vite un zombie. S’il récupère sa médaille d’or du contre la montre des JO d’Athènes, il ne réussit pas à effacer le contrôle positif de la Vuelta. Pris une nouvelle fois, il avoue prendre de la DHEA puis arrête le vélo et monte une entreprise de remise en forme à Boulder.

 

Tyler Hamilton a tout détaillé au procureur, devant le jury, à ses parents puis à l’USADA malgré les menaces d’Armstrong : « Je vais faire de ta vie un putain d’enfer. »  Il reconnaît enfin : « Mon sport va nettement mieux et nettement moins vite. » Puis, un peu plus loin : « Le courage se trouve plus souvent chez celui qui termine parmi les derniers que chez le vainqueur. »

 

Une postface permet de faire le point sur ce qui s’est passé ces derniers mois après les aveux de Lance Armstrong. Après de telles confessions, Tyler Hamilton se dit calciné, abîmé mais plus fort, comme du bois passé dans le feu.

 

La course secrète (Prix du meilleur ouvrage sportif en 2012) est un témoignage bouleversant, révélateur d’une époque qui a fait très mal aux amoureux d’un sport simple et magnifique. Chacun rêve que tout cela soit révolu mais la recherche effrénée de gloire et d’argent est toujours bien présente.

Jean-Paul

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