Virginie Despentes : Apocalypse bébé

Apocalypse Bébé    par    Virginie Despentes

Bernard Grasset (2010) 342 pages. Prix Renaudot 2010.

 

Distingué par un prix littéraire prestigieux, le septième roman de Virginie Despentes se dévore avec jubilation. Le style est toujours très percutant, excessivement actuel.

 

 

Apocalypse Bébé commence à Paris : « Les saisons s’enchaînaient façon paquets de bonbons faciles à gober et colorés. » Lucie Toledo, sorte de détective privée, parle à la première personne du singulier : « J’ignore à quel moment la vie a commencé à cesser de me sourire. » Chargée de suivre Valentine, « une ado nymphomane, défoncée à la coke et hyper active, une de plus », elle a perdu bêtement sa trace. La grand-mère, Jacqueline Galtan, « bien rafistolée pour son âge », est furieuse. Elle offre 5 000 € de prime à Lucie si elle la retrouve.

 

 

Le père de Valentine, François Galtan, est romancier mais il attend le succès, en vain. Après trois romans écrits en trois semaines, « sous Solupred », il était devenu « une grosse baleine » accro à la cortisone. L’arrêt brutal du médicament l’avait plongé dans une sévère dépression. À 50 ans, après deux divorces et trois mariages, il s’en remet à sa mère pour retrouver sa fille.

 

 

Pour réussir sa recherche, Lucie contacte La Hyène, un personnage qui reviendra dans Vernon Subutex 1 et 2 : « ses jambes sont longues et fines dans son petit jean blanc, elle a la maigreur chic, un corps qui tend à disparaître et porte bien les fringues… ses yeux sont très grands, sombres, elle est ridée façon vieille Indienne, ça rend son visage expressif. »

 

 

Nous suivons donc le périple des deux enquêtrices qui commencent par le lycée de Valentine. Séquence nostalgie pour Lucie : « les larmes me montent aux yeux quand je vois qu’on écrit toujours à la craie sur un grand tableau noir… » mais, un peu plus loin : « à 3 500 € le trimestre, j’imagine que les gamins qui se font exclure doivent avoir au minimum essayé d’en tuer d’autres à la tronçonneuse. »

 

 

Au passage, nous faisons connaissance avec Claire, l’épouse actuelle de Galtan : « Ni hostile, ni intrusive » avec Valentine qui était infecte avec elle. Puis arrive Rafik, l’informaticien qui « a vu juste, le portable est devenu une prothèse indissociable des enfants, et les parents ne voient pas pourquoi ils n’y auraient pas recours pour savoir, en temps réel, ce qu’ils font, disent, envoient, reçoivent et dans quels lieux ça se déroule. »

 

 

Avant que l’action se déplace à Barcelone, nous faisons connaissance avec Yacine et la famille de Vanessa, la mère biologique de Valentine. Justement, elle vit dans la capitale de la Catalogne. L’auteure est féroce envers cette ville : « La ville prend la forme d’un boucan intense. Les gens klaxonnent à tout bout de champ, des machines extravagantes éventrent les sols et exhibent les entrailles de la ville, à grand renfort de bruit. Ça ressemble à une coutume locale. » Les plages si sales ne sont pas épargnées puis il y a la drogue, le sexe, une sorte de plaidoyer pour les amours féminines, les mots lesbienne et gouine revenant très souvent.

 

 

Apocalypse Bébé se termine par un coup de théâtre, une fin un peu rocambolesque mais, qu’on l’apprécie ou non, reste le régal de la lecture et un regard critique tellement nécessaire sur notre monde.

Jean-Paul

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