Atelier d'écriture, Semaine 16

  • Les amis et proches de Jean-Paul Degache
  • La vie en prison

Alors que les Egyptiens ont vu leur président démissionner avant-hier, Jean-Paul revient sur la révolution tunisienne à travers deux éditoriaux issus du journal de la maison d'arrêt. Bonne lecture.

 

Transition délicate en Tunisie (Editorial du 28/01/2011)

 

Le 14 janvier 2011,  la Tunisie a vécu  l’évènement le plus important depuis la décolonisation, qui a surpris autant que la chute du Mur de Berlin : Ben Ali a quitté le pouvoir et la Tunisie.

Tout a commencé le 17 décembre, lorsque Mohamed Bouazizi, un diplômé chômeur, s’est immolé par le feu à Sidi Bouzid, avant de décéder le 5 janvier. Le 22 décembre, Houcine Neji s’est suicidé devant la foule à Menzel Bouzayane et la police a tiré, tuant un manifestant. Les 25 et 26 décembre, les manifestations se sont étendues dans tout le pays puis, le  28, Ben Ali s’est adressé au pays. Les 8 et 9 janvier, des émeutes à Kasserine, dans le centre du pays, ont dégénéré en émeutes sanglantes avec, au moins, 21 morts. Le 10, Ben Ali a dénoncé des actes terroristes et promis 300 000 emplois supplémentaires d’ici 2012. Le lendemain, les émeutes ont gagné la capitale et sa banlieue. Le 13 janvier, Ben Ali s’est engagé à quitter le pouvoir en 2014 et, le lendemain, une manifestation a tourné à l’émeute à Tunis. Le gouvernement a été limogé. L’état d’urgence a été décrété puis Ben Ali a fui en Arabie saoudite.

Pendant toute cette période, le silence de la France, comme celui des pays occidentaux, a été assourdissant. Michèle Alliot-Marie, ministre des affaires étrangères, a même déclaré à l’Assemblée nationale que la France pouvait aider le gouvernement tunisien dans le domaine de la sécurité…

Zine al-Abidine Ben Ali, militaire passé par Saint-Cyr, en France, a fait sa carrière dans le renseignement. Il a gardé le pouvoir pendant 23 ans sans battre le record de Bourguiba (31 ans) auquel  il avait succédé en 1987. Au début, il a promis pluralisme et démocratisation mais, rapidement, ses promesses n’ont pas été tenues. Devant la menace du mouvement islamiste, il a fait emprisonner plus de 20 000 membres d’Ennahda, le parti islamiste tunisien. La machine répressive étant lancée, il s’en est pris à toutes les autres forces politiques et associatives. Sur le plan économique, les investisseurs européens appréciaient ce pays calme où la main d’œuvre est bien formée et peu coûteuse. Le tourisme à bon marché s’est développé à outrance mais la population était surveillée, embrigadée. Le Ministère de l’Intérieur emploie 1 Tunisien sur 100, le parti au pouvoir, le RCD, compte 1 Tunisien sur 10 parmi ses membres et l’avidité de la famille de la seconde femme de Ben Ali, Leïla Trabelsi, ainsi que de ses gendres paraissait sans limites. D’ailleurs, ses proches ont quitté le pays avant lui…

Les Tunisiens sont devant une occasion historique pour contribuer à l’avènement d’une démocratie dans leur pays. L’ensemble du monde arabe retient son souffle comme la France et le reste de l’Europe.

 

 

Une démocratie se construit en Tunisie (Editorial du 04/02/2011)

 

L’impatience n’est pas bonne conseillère. Après plusieurs décennies de pouvoir confisqué par quelques individus, ce n’est pas en quelques jours qu’un pays comme la Tunisie qui compte 10,4 millions d’habitants, peut retrouver le calme et mettre en place l’organisation d’un pays démocratique.

Dans ce pays fort d’une jeunesse instruite et diplômée qui a su remarquablement utiliser internet et les réseaux sociaux, il est important de rassurer tout le monde afin d’assurer une transition vers une vraie démocratie. Le reproche le plus important fait par une bonne partie de la population concerne la composition du gouvernement qui réserve les postes les plus importants aux responsables déjà en place sous Ben Ali. Un remaniement, effectué à la fin du mois de janvier, pourrait ramener le calme.

            Auparavant, il y avait une opposition officiellement reconnue par le pouvoir comme le Parti démocrate progressiste (PDP, centre-gauche) de l’avocat Nejib Chebbi, le Forum démocratique pour le travail, le mouvement communiste Renaissance (Ettadjid)…Ces partis-là sont maintenant rejoints par ceux qui avaient dû s’exiler parce qu’interdits par le pouvoir : le Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT) de Hamma Hammami, le Conseil pour la République (CPR) de Moncef Marzouki et le parti islamiste Ennahda de Rached Ghannouchi qui n’a aucun lien de parenté avec le Premier ministre actuel.

Le syndicat UGTT, avec un demi-million d’adhérents, a soutenu tardivement des luttes régionales comme les grèves du bassin minier de Gafsa en 2008. Le 15 janvier, l’UGTT a encouragé la formation de comités de vigilance citoyens. L’armée, qui, contrairement à son homologue algérienne, n’est pas politisée, a eu un rôle déterminant en arrêtant des responsables des milices de la police politique. Il ne faudrait pas qu’elle succombe devant la menace concrète de chaos, à la tentation de confisquer le pouvoir. N’oublions pas les avocats et leurs actions courageuses. Enfin, il est important de mentionner ces comités de quartier qui ont été capables de mettre en échec les pillages et les violences des milices.

            Ainsi, dans ce pays trop longtemps considéré comme un lieu idéal de villégiature bon marché pour les Européens, toute une population emmenée par une jeunesse instruite et décidée est en train de construire une démocratie sous le regard intéressé de nombreux pays dont l’Algérie, le Maroc, l’Egypte, le Yémen…

 

Jean-Paul

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