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Tombouctou entre mystère et érudition (Éditorial du vendredi 22/02/2012)

 

Les évènements qui ont mis le Mali à la une de l’actualité de ces dernières semaines, ont eu le mérite d’attirer l’attention du monde entier sur des trésors culturels trop longtemps méprisés et entourés de mystère.

 

Tombouctou, ville classée au patrimoine mondial, recèle une quantité impressionnante de manuscrits. Leur perte définitive a été redoutée à cause d’un autodafé, une destruction par le feu de quelques livres religieux, des traces écrites très rares brulées par des « frères musulmans ». La population de Tombouctou, à majorité musulmane, n’a pas compris cet acharnement causant un tort considérable à la bibliothèque Ahmed-Baba, inaugurée en 2009. Après la destruction d’un mausolée, quelques mois auparavant, plus de 80% des manuscrits de la bibliothèque de Tombouctou avaient été placés dans des cantines métalliques et emmenés vers le sud par les responsables de trente-deux bibliothèques familiales de Tombouctou.

 

Déjà au cours des années 1990, un trafic de manuscrits en direction de Genève et de New York avait été dénoncé sans que les autorités maliennes ne réagissent. Il faut remonter encore plus loin dans le temps pour comprendre la méfiance de la population de Tombouctou, bien obligée de protéger ses trésors. En 1591, le sultan du Maroc Ahmed El-Mansour a occupé la ville, pillant et massacrant. Ahmed Baba (1556 – 1627), le savant le plus célèbre de l’époque avec sa bibliothèque de 1 600 volumes est arrêté et emprisonné à Fès, avec ses livres.  Depuis, la population a peur et cache ses manuscrits écrits en ajami, langue mélangeant l’arabe avec l’haoussa, le bambara, le tamasheq, le sonhai et le peul. Ils traitent de quantité de sujets allant de l’astronomie à la chimie en passant par l’astrologie, les mathématiques, les recettes médicinales, l’émancipation des esclaves, le statut des femmes, l’activité sexuelle des couples, la géomancie, une technique divinatoire, la philologie, étude critique de textes par comparaison, mais aussi des actes notariés, des poèmes rimés, des récits épiques… Tout cela est le fruit d’un mélange extraordinaire entre les cultures arabes, berbères et d’Afrique noire.

 

Tout ce qui s’est passé ces dernières semaines, à Tombouctou, n’a donc pas été trop grave pour ces trésors restés cachés depuis si longtemps et dont les Africanistes français de XXe siècle ignoraient l’existence. Cela aura eu le mérite de créer un sursaut salutaire pour accélérer leur numérisation, leur traduction et leur catalogage afin qu’ils soient enfin vraiment accessibles. Cela permettrait  de faire reconnaître enfin la mémoire écrite  de l’Afrique, prouvant si besoin était  que ce continent a une Histoire.

Jean-Paul

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